dimanche 13 mars 2011

Centro de Diferenças

De retour à la maison, j'ai repris mes activités diverses et variées. La journée du lundi à Montessori se passe très bien. La directrice est très contente et j'espère que ça va durer. Côté langage, j'en suis à 30 mots utilisés dans le contexte du quotidien. Dites- donc les oreilles débouchées c'est quand même mieux !!! J'ai rajouté des mots comme dehors, descend, tracteur ... Bon pas parfaitement prononcés bien sûr mais dits au bon moment de ma propre initiative. Ici vous me voyez en train de faire les phrases-puzzles. Maman lit la phrase au début puis défait les morceaux du puzzle et les mélange. Je dois ensuite reconstituer la phrase. De qui parle-ton demande maman ? Et je dois trouver le personnage dont il s'agit. Et que fait ce personnage ? Les questions avec le quoi et le où suivent comme vous l'imaginez. J'aime beaucoup y jouer car c'est récent. Je travaille aussi mon graphisme. C'est difficile mais je trouve que je m'améliore. J'arrive à mieux rester à l'intérieur du sujet. En revanche il faut que maman m'installe bien le feutre dans la main et démarre un peu le coloriage. Et puis j'ai commencé les activités de "transport avec les yeux" selon Feuerstein. Je dois coller une gommette au bon endroit d'après le modèle. J'ai aussi reçu en nouveau jouet : un établi de bricolage qui me permet de m'exercer au marteau (ce que je fais assez bien) et au vissage et dévissage afin d'améliorer ma motricité fine. Je repense souvent à mes copains et copines du Centro de Diferenças qui ont de la chance d'avoir toute une équipe dédiée. Je ne sais si je vais réussir à en faire autant mais je fais comme je peux avec les moyens du bord. Regardez les résultats auxquels ils parviennent : Raquel, 6 ans avec sa thérapeute Ana doit classer les mots par sujet/verbe/autres puis construire des phrases de son choix que son orthophoniste tape sur l'écran. Elle doit lire la phrase et répondre aux questions. Vera, 8 ans travaille l'addition et la soustraction. Elle s'exerce au pluriel et au singulier, à l'article placé devant le mot qu'elle oublie souvent, à la lecture syllabique. Joao, 12 ans travaille la compréhension de texte et répond par écrit aux questions posées. Tous sont intégrés à l'école ordinaire. Certains en classe intégrée (type clis) comme Leon, 13 ans, porteur de trisomie 21 et autiste, pour lequel la professeur d'histoire-géo a absolument tenu à ce qu'il assiste à son cours. L'école est pour tous les enfants comme le dit Miguel. Un lieu sans doute moins préservé, plus exposé, plus risqué parfois mais de ce fait moins aseptisé, plus à l'image de la vraie vie, plus "acceptant". On rêve d'une école qui protégerait les plus fragiles, les soutiendrait, les encouragerait, leur donnerait confiance dans leurs apprentissages et dans leur savoir-être, juste les accepterait. Et l'école c'est un peu nous non ? Mon frérot a présenté l'autre jour en classe un exposé sur la trisomie 21 et sur moi donc. Et soudainement, ma différence a semblé plus proche aux enfants, plus compréhensible, moins effrayante. Tous les parents en ont parlé. La maîtresse a trouvé l'exposé extraordinaire. Juste tout comme moi. Et mon frérot ? Très fier de son travail et de son frère. L'acceptation commence un peu par là. Bon, ben les amis c'est l'heure de se quitter. La prochaine fois je vous fais un point sur quelques unes des nombreuses informations/truc et astuces glanés par maman au Centro de Diferenças. De quoi vous occuper sous peu ... Et moi aussi ... Gros bisous et bonne nuit les petits lascars !

dimanche 6 mars 2011

Lisboa


Les oreilles à peine débouchées, me voici parti en voyage : Lisbonne nous attendait. Vous entendez la mélancolie du fado, le "gling-gling" du tramway - vous découvrez le soleil incandescent, les vagues brillantes aux lames d'acier : nous y sommes. Pas de doute c'est Lisbonne : capitale et balnéaire, citadine et sauvage, en ébullition et en sourdine, passionnée et accueillante, multiple et unique. J'y suis pour deux raisons : pause vacances pour toute la famille et visite du centre Diferenças , fondé voici 20 ans par Miguel Palha, pédiatre, un papa extraordinaire de 3 enfants dont Teresa, âgée de 24 ans, porteuse de trisomie 21. Maman a rencontré Miguel à Paris lors d'une conférence. Il lui a proposé de venir voir un centre unique en son genre qui dispose sans doute de l'un des programmes d'accompagnement de la trisomie 21 le plus complet au monde. A peine arrivés, nous goûtons au plaisir du soleil, de la chaleur, de l'iode, de la mer et à l'accueil chaleureux et généreux de Miguel et Teresa. Dès le lendemain nous profitons de ce temps magnifique tandis que maman assiste à 5/6 séances de thérapie par jour avec des enfants de tout âge tous porteurs de trisomie. Au programme, séances d'orthophonie, de maths, de grammaire, de phonologie, de logique, de psychomotricité etc ... Miguel a fait le tour du monde et se tient régulièrement informé des avancées dans les domaines de la motricité, de la santé, des progrès dans la recherche des méthodes d'apprentissage liés aux troubles ou déficits cognitifs . Il a tout d'abord commencé par envoyer deux psychologues étudier les modes de travail expérimentés au Down Syndrome Education fondé par Sue Buckley . Ceci explique qu'au centre Diferenças, tout comme au Down Syndrome Education basé à Portsmouth en Grande-Bretagne les enfants porteurs de trisomie apprennent à lire le plus tôt possible dès 2 ans -2,5 ans avec la méthode globale puis peu à peu en rajoutant la méthode syllabique. Le centre Diferenças suit 14 000 enfants au Portugal dont 1200 sont porteurs de trisomie. Les 130 thérapeutes du centre, répartis sur 3 pôles d'activité, sont formés de la même manière et adaptent leur prise en charge à la pathologie de l'enfant grâce à des programmes mis au point en amont soit sur logiciels interactifs soit sous forme de fiches. Tous les lundis, une réunion leur permet de s'informer des dernières nouvelles en matière de pédiatrie, pathologie, pédagogie, psychologie etc ... ça brasse non vous ne trouvez pas ? Et ça fait brasser ... Il suffit d'un homme, d'un contexte, d'une volonté de fer et hop ! Le résultat ? Vera apprend l'addition et la soustraction à 8 ans ; Rafael travaille dans une banque à 18 ans (distribution du courrier interne) ; Sofia 13 ans très bon niveau de lecture, écriture en attaché travaille encore sa compréhension de texte ; Maria 5 ans écrit son prénom et celui de papa maman en lettres capitales, lit des mots et des phrases ; Joao 12 ans s'exerce à la multiplication ; Gonzalo 5 ans travaille les suites numériques (compte jusque 30) et les phrases ; Patricia 15 ans effectue des fractions avec exponentielles et des équations à 1 inconnue ... Bien sûr ce tableau n'est pas idyllique : les problèmes psychologiques existent de même que les problèmes de santé possibles de la trisomie : bruxisme, cataracte, audition, problèmes cardiaques ... Mais les jeunes sont relativement autonomes et heureux de vivre. Et moi dans tout ça ? Miguel m'a dit que je me portais bien, mais que j'avais sans doute un trouble expressif du langage dû soit à mes problèmes d'otite ou à un problème de programmation motrice du langage. Et ben ? ! J'ai malgré tout mes 20 mots que je prononce dans le langage courant parlé quand même ! Pas de panique : je fais de mon mieux de toutes les façons. Et puis c'est vrai que depuis l'opération je répète bien davantage. Alors hauts les coeurs ! La bataille continue ! Je vous embrasse bien fort et vous dis à très vite. Je vous montrerai la prochaine fois les travaux de mes copains et copines de Lisbonne.